J'ai fini sur l'une de ces grandes poubelles à couvercle jaune, ces poubelles écolo, ces poubelles où l'on met le carton, le papier, les bouteilles en plastique, et moi. Moi, à recycler. C'est ce à quoi j'ai pensé en pleurant, pendant qu'il allait et venait en moi. Aujourd'hui je me demande ce qu'il avait fait de son couteau. Question sans importance, mais qui tourne dans ma tête.
Ça aurait été si simple... Prendre appui sur ce couvercle jaune, et lancer ma jambe de toutes mes forces dans son entrejambe, remonter mon pantalon et partir en courant. C'est ce que j'aurais dû faire. C'est ce que je n'ai pas fait.
Eternelle culpabilité.
Je me suis tellement senti coupable de toutes ces petites choses, que quand j'ai "avoué" cet évènement à certains de mes proches, j'ai menti. J'ai raconté que je ne connaissais pas l'homme. J'ai raconté que je ne me souvenais plus. J'ai raconté que ma mémoire avait fait le black-out sur cette histoire. Alors que je me souviens de quasiment tout. Je me souviens bien avoir discuté avec lui avant. Je me souviens très bien m'être laissée entraîner dans ce local. Je me souviens que je n'avais rien contre le fait qu'il m'embrasse. Je me souviens de ce couteau, et de cette étrange sensation, ce frisson étrange et perturbant qui m'a parcourue quand il l'a appuyé sur moi. Je me souviens de m'être si peu débattue... Je me sentais tellement responsable, et je n'avais tellement pas envie de le reconnaître, que j'ai menti. A tout le monde. Personne n'a jamais su la vérité sur cet événement. Personne. Pas même les meilleurs amis à qui j'ai dit que j'avais été violée à cet âge-là. Pas même aux petits amis à qui il a fallu donner des explications sur mes propres problèmes et répulsions sexuels.
Personne. Strictement personne. je ne l'ai même jamais écrit. Dans aucun journal intime. Sur aucune feuille volante. Pas un mot n'a filtré pendant toutes ces années. J'avais fini par croire à mon propre mensonge.
C'est étrange pour moi aujourd'hui d'avoir enfin dit tout ça. Je me sens soulagée, et en même temps j'ai comme un vide en moi... Je ne sais pas trop ce que j'attendais de cette vérité que j'avais un besoin impérieux de vomir. Tout ce que je sais, c'est ce que je ressens.
Je sens que c'était important de le faire. Et c'est ici que j'ai choisi de le faire.