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Note aux lecteurs égarés ici :

Ceci est un blog somme toute assez personnel, voire intime. Je n'y publie pas régulièrement, au point que l'on pourrait se demander s'il a vraiment une utilité. Pour moi il en a une. Ce ne sont souvent que des billets d'humeur, parfois des réponses à des commentaires ou à des articles non-cités. Parfois c'est -très humblement- poétique, parfois c'est chirurgical. Parfois c'est très noir, voir gênant, parfois ce n'est que joie du quotidien. Sans transition. Parce que je suis ainsi, mais qu'il n'y a qu'ici que je peux faire sortir ça de cette façon.


Certains textes peuvent être violents, parce qu'ils parlent avec crudité de sexe, de troubles du comportement alimentaire, de dépression, ou de viol. Ceci est donc un avertissement à l'attention de ceux qui ne souhaitent pas s'y confronter.

17 mai 2017 3 17 /05 /mai /2017 21:05

 Partie 2 de "Tout ça."

 

Au départ, "tout ça" n'était qu'une partie de ma vie. Comme l'école en était une autre, ou bien les jeux du parc pour enfants. Ce n'était que ce qui se passait "là-bas". Puis, au fur et à mesure, ça m'a imprégnée.

Ma réalisation de ce qui se passait a été lente et progressive, elle se déroule sur mes premières années collège. Et c'est devenu toute ma vie. J'y pensais presque tout le temps. J'étais pétrie dans ma douleur, ma culpabilité et mon incapacité à réagir. J'angoissais des week-ends et des vacances. J'angoissais d'aller "là-bas". Et je ne disais rien. Rien ne filtrait. J'étais murée dans le silence.

 

Réaction à "tout ça" ou prémices de mon trouble de la personnalité borderline, je laissais de plus en plus s'exprimer ma colère et mon désarroi à la face de minuscules évènements frustrants de la vie quotidienne. Je pleurais, je hurlais, je partais en claquant la porte et je me murais dans les sanglots et mon silence habituel pendant qu'à l'intérieur ça bouillonnait de rage et de désespoir. Jusqu'au jour où, en 4ème,  j'ai craqué devant une professeure. Je l'ai déjà évoqué dans cet article. Je n'arrivais presque pas à parler.

"-Est-ce qu'il y a quelque chose qui ne va pas à la maison ou en dehors de l'école ? Quelqu'un t'embête ?

- C'est... mon cousin..

-Est-ce qu'il t'a demandé de faire quelque chose que vous ne devriez pas faire ?

-En fait, il ne demande pas. "

C'est l'exact contenu de la conversation que nous avons eue entrecoupée de sanglots, de bredouillements et d'hésitations.

"En fait il ne demande pas".

C'est tout ce qui est sorti ce jour-là et j'ai eu énormément de chance d'être tombée sur une personne qui a tout de suite émis des hypothèses allant dans la bonne direction. J'ai pleuré de longues minutes dans ses bras, de soulagement et de terreur à la fois. Je ne l'oublierai jamais. Je n'oublierai jamais qu'elle a su deviner ce que personne ne voyait, alors même que c'était sous le nez de beaucoup de monde. Comme mentionné dans l'article linké plus haut, j'ai ensuite vu la psychologue (ou assistante sociale, je ne sais toujours pas qui elle était en fait, c'était le même bureau.) de l'école.

 

Les rendez-vous se passaient mal.  Au premier, elle a juste attendu que je parle, pendant de longues très longues minutes. Je n'arrivais à sortir que des bredouillements sans aucun sens. Elle m'a redonné un autre rdv. A celui-ci, elle a attendu, pendant que je fixais avec horreur Tintin et Milou sur son pull bleu, puis à mi-chemin, elle a commencé à me tirer les vers du nez à partir de ce qu'avait rapporté la professeure.

Ca a été long et difficile, pour très peu de choses dites au final. Je n'avais pas les mots pour expliquer ce qui se passait. Je n'avais pas le regard que j'ai aujourd'hui pour comprendre la culpabilité que je ressentais. Au troisième rdv je crois, elle a fait un résumé de ce que j'avais laissé entendre et m'a déclaré qu'il fallait en parler. En parler à d'autres gens qu'elle. Mes yeux ont dû sortir de ma tête tellement ça me paraissait le truc le plus impossible que j'aie jamais entendu de toute ma vie.

 

Elle a passé le reste des rendez-vous à tenter de me convaincre de parler à ma famille, avec des arguments comme "dans quel état tu te sentirais s'il le fait à d'autres ? " "Tu l'aimes pourtant ta cousine ? " "Elle n'a rien fait pour mériter ça, alors s'il lui fait aussi... ? " Le souvenir diffus que j'ai de ces rendez-vous c'est moi, butée, avec mon sac sur les genoux, les bras croisés par dessus, ou moi en pleurs, terrorisée, et ses stupides pulls Tintin ou Mickey. Je les fixais pendant tout le rendez-vous, complètement stupéfaite de leur faire face, d'être là et d'écouter les horreurs qu'elle me prédisait.

 

Je ne comprenais même plus pourquoi j'étais là. Plus elle me parlait, plus je me sentais mal et coupable. Plus j'avais l'impression que tout était de ma faute. C'était ma faute si c'était arrivé, c'était ma faute si je n'avais rien dit et c'était encore ma faute si je n'arrivais pas à parler. Et, enfin, ce serait ma faute si quelque chose d'autre arrivait. 

Un jour, épuisée, j'ai fini par donner mon accord pour qu'elle appelle ma mère et qu'elle lui explique elle-même ce qui se passait. Je lui ai expressément dit que "moi je ne pourrai pas".

 

J'ai vécu les jours suivants avec la gorge un peu moins serrée. Pendant quelques jours, ma vie n'a plus tourné uniquement autour de "tout ça".

 

Puis un midi, pendant que je mangeais à la cantine, j'ai vu passer ma mère en trombe dans la cour. Je n'ai pas fait le lien. A la fin du repas, nous sommes sorties avec mes copines, jouer dehors, il faisait beau. Je ne sais plus à quoi on jouait, mais soudain une main m'a attrapé sèchement le coude par derrière et une voix m'a sifflé "TOI !" C'était ma mère. Elle a sifflé entre ses dents, furieuse, "toi, tu vas voir, il faut qu'on parle ce soir !" Elle serrait tellement fort mon bras et elle avait l'air tellement en colère. J'étais terrorisée encore une fois. Elle est repartie après ces quelques mots, comme une furie. Mes copines demandaient ce qu'elle m'avait dit, ce qu'il se passait, ce que j'avais fait et je ne savais que sangloter "je ne sais pas". Le reste de l'après-midi s'est déroulé dans le flou et la panique la plus totale.

 

Je coupe encore une fois l'écriture ici, parce que revenir là-dessus est vraiment très difficile pour moi émotionnellement. Je crois que c'est l'une des blessures les plus importantes de ma vie. Bref à plus tard, quand j'aurai trouvé le courage de continuer.

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